Jusqu'à la fin de mes études, le bégaiement n'a jamais vraiment été handicapant mais la recherche d'emploi s'est montrée comme un obstacle de taille. En une dizaine de mois de recherche, j'ai passé une quinzaine d'entretiens au cours desquels mon bégaiement s'est plus ou moins manifesté, allant d'un bégayage pénible mais tolérable à des blocages sévères. Les chargés de recrutement que j'ai rencontrés n'étaient généralement que peu réceptifs. J'ai eu droit à pas mal de choses : le raccourcissement de la durée de l'entretien pour stopper le calvaire pour les deux parties, les gens qui faisaient comme si de rien était, d'autres qui restaient scotchés sur le sujet de mon bégaiement et qui doutaient de ma capacité à travailler... Et ce ne sont pas les plus grosses sociétés qui sont les plus compréhensives, loin de là , ce serait même plutôt l'inverse. Comme cette chargé de recrutement de PSA qui m'a avoué ne pas pouvoir écarter un candidat "normal" au profit d'un bègue malgré mes tentatives infructueuses d'expliquer que mon bégaiement n'était que passager, que son importance variait en fonction de la situation...

Mais tout n'a pas été noir. J'ai pu bénéficier de réseaux qui m'a permis de rencontrer librement des ingénieurs prêts à m'aider dans mes démarches. Ils m'ont toujours bien reçu, m'ont compris, et ils n'ont jamais trouvé en mon bégaiement un obstacle insurmontable. Cela dit, il était moins sévère pendant ces rencontres que pendant les entretiens d'embauche précédemment évoqués. C'est lors de ces rendez-vous que la solution "COTOREP" a été abordée.

La COTOREP est la Comission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel qui se charge de reconnaître d'un point de vue administratif le statut d'handicapé. Un travailleur handicapé permettra à son employeur de lui faire profiter d'avantages financiers, ou tout du moins de lui éviter de payer des amendes pour non respect des quotas. Les bègues peuvent profiter de ce statut. Même si je pensais que ce titre d'handicapé ne correspond pas à ma situation, après près de 8 mois de recherche infructueuse, je me suis décidé à déclencher le processus de reconnaissance du statut COTOREP. Après un peu plus d'un mois, la COTOREP répondait favorablement à ma demande. Entre temps, j'avais exprimé cette modification de situation aux recruteurs qui avaient répondu défavorablement à ma candidature ou l'avaient laissé en suspens.

Globalement, les recruteurs ont très bien reçu cette nouvelle. La société qui m'a embauché a très vite réagi en me proposant un CDI quelques jours plus tard. 4 mois auparavant, c'était la seule entreprise à m'avoir fait passé toute une série d'entretiens. Le chargé de recrutement, témoin de mon bégaiement, a tout de suite compris mes difficultés et m'a proposé de rencontrer un ingénieur du groupe, lui-aussi bègue. L'entretien avec lui s'était parfaitement passé. Une fois en confiance après ce bon accueil, j'ai réussi les deux entretiens suivants. Cependant, je n'avais pas eu de réponse définitive après 4 mois d'attente.

Aujourd'hui, je travaille depuis quelques jours et mon intégration s'est parfaitement passé. Mon bégaiement, même s'il est visible de temps en temps, ne perturbe en rien les contacts avec mes collègues. Je vois en ce statut COTOREP un tremplin efficace pour faciliter l'insertion professionnelle, même si au fond je ne me sens pas plus handicapé qu'un autre. Je me dis aujourd'hui que j'ai profité de ce système. Même si le mot handicapé me faisait peur à l'époque, notamment le fait de reconnaître ce statut officiellement, je ne regrette pas la démarche.