Le premier contact que le candidat peut avoir la société qu’il ambitionne d’intégrer se fait généralement par le biais du curriculum vitae et de la lettre de motivation. Pour mettre cartes sur table, j’ai choisi d’insérer dans mon CV une ligne relative à mon bégaiement. Je pense qu’il est important de prévenir d’emblée l’employeur qui ne pourra pas se sentir trahi lors de l’entretien. Mais si vous choisissez comme moi de faire mention de votre bégaiement sur le CV, il faudrait de préférence présenter la chose d’un point de vue positif, par exemple en précisant que vous appartenez à une association de lutte contre ce handicap (comme l’APB), ou que vous avez suivi des thérapies ou des stages.

Cette première annonce de votre handicap vous permet aussi de filtrer les recruteurs qui ont un fort a priori contre le bégaiement, et ainsi d’éviter une mauvaise expérience en entretien. Mais de manière générale, j’ai toujours eu, de la part de l’employeur, un retour positif de cette mention sur le CV, allant même parfois jusqu’au remerciement pour mon honnêteté. En même temps, ça vous fait sortir du lot et le recruteur peut vous porter d’avantage d’attention qu’à un autre candidat.

Une fois le filtrage du CV passée, le recruteur vous invite à un entretien. Il a vu sur votre CV que vous aviez les compétences pour prétendre au poste auquel vous postulez, il testera donc en priorité votre motivation et vos comportements. Que vous stressiez est normal (l’inverse sera anormal même…), c’est pourquoi il faut avoir préparer cet entretien pour se forger une « positive-attitude » et se blinder de confiance. Vous pouvez avoir préparer des phrases toutes faites pour présenter votre parcours scolaire, pour parler de votre expériences professionnelles (stages, précédents emplois), pour expliquer des exemples de réussites et d’échecs surmontés… mais surtout pour discuter de votre bégaiement, car si vous l’avez noté dans votre CV et que vous bégayez pendant l’entretien, le sujet viendra inévitablement. Pendant l’entretien, vous pourrez vous concentrer sur votre bonne préparation pour gagner en confiance. De toute façon, cette préparation se verra et sera une preuve supplémentaire du sérieux de votre candidature.

Parler du bégaiement d’une façon positive pendant l’entretien, en donnant des exemples sur la manière avec laquelle ça vous a aidé dans votre développement personnel et dans votre conscience des besoins des autres, ne peut être perçu que positivement. L’employeur verra que vous avez surpassé votre bégaiement qui n’apparaîtra plus (ou tout du moins, qui apparaîtra moins) comme un handicap.

Alors maintenant, quand et comment en parler avec l’employeur ? En parler dès le début de l’entretien peut vous déstresser et assainir la discussion. Car ne vous imaginez pas que vous êtes le seul à stresser. Votre bégaiement en soi peut rendre mal à l’aise l’interlocuteur, mais en plus le recruteur a des impératifs de la part de sa hiérarchie pour choisir le bon candidat qui pourra réussir dans la société. Personnellement, j’ai plusieurs fois commencé l’entretien en précisant qu’il m’arrivait de bégayer, notamment dans des situations de stress comme cet entretien, mais qu’il pouvait me demander de reformuler une réponse qu’il n'aurait pas bien comprises. Soit l’interviewer vous remercie de cette remarque et continue l’entretien, soit il vous demande des précisions sur votre bégaiement : dans quelle mesure vous gêne-t-il ? quand apparaît-il ? qu’avez-vous fait pour vous en débarrasser ? ... A ce moment-là, n’hésitez pas à vous appuyer sur des exemples pour étayer vos réponses. Vous pouvez également retourner le handicap en avantage en disant que vous avez déjà dû surmonter les difficultés liées au bégaiement et que les difficultés rencontrées en entreprise ne vous font pas peur.

Lorsque de l’entretien, n’oubliez pas de regarder l’employeur dans les yeux tout en parlant avec franchise et honnêteté, car baisser constamment les yeux donnerait l’image de quelqu’un de renfermé qui n’accepte pas le regard de l’autre. Cela peut être difficile, mais c’est aussi pour ça qu’il faut bien se préparer. L’interlocuteur doit presque devenir un confident auquel vous parleriez naturellement. En général, l’employeur vous aidera à adopter cette attitude. Personnellement, je n’ai jamais rencontré d’employeur sans pitié qui vous assène de questions-pièges sans chercher à vous comprendre et à s’adapter. On se fait souvent tout un monde de l’employeur (« un dieu tout puissant qui tire les ficelles de votre destin »), mais je pense qu’il faut grandement diminuer l’estime que l’on peut avoir à son égard. C’est un homme comme un autre qui connaît des difficultés comme tout le monde et qui comprendra certainement les vôtres.

Mis à part ça, l’entretien nécessite une grande écoute de votre part. Le bégaiement a tendance à vous renfermer sur vous-même alors que l’employeur continue à discuter pendant que vous tergiversez. Une bonne introspection, avec du recul par rapport à votre parcours et à vos comportements, vous permettra de parler de vous avec justesse et de répondre aux questions avec recul pour donner les informations qui intéresseront le recruteur et qu’il attend. Vous avez très bien pu anticipé et préparé ces réponses en vous appuyant sur votre expérience, vos compétences et des exemples.

Lors d’entretiens, je me sentais parfois partir dans un gros bégaiement. L’idéal serait de réussir à se reconcentrer exclusivement sur les questions du recruteur pour y répondre directement et pleinement. Faire des pauses avant de commencer à répondre peut grandement aider. Je profitais parfois de mes bégayages et de mes hésitations pour réfléchir et transformer ma phrase en cours pour formuler une autre idée. Avec le recul, je pense que ça en gêne la compréhension. Mieux vaut préférer les pauses pour réfléchir, respirer calmement et se remobiliser.

Enfin, après chaque entretien, faire un bilan de l’entretien permet de capitaliser ses expériences pour mieux réussir le suivant. Si vous avez eu des difficultés sur certains points, il s’agit d'éviter ces situations, et à l’inverse, si vous avez réussi sur d’autres points, il faudra réussir à reproduire ces succès. Généralement, l’employeur commencera un debriefing avec vous en disant ce qu’il pense de votre candidature et en vous demandant ce que vous retirez de l’entretien. Il faut bien sûr toujours dire que vous pensez avoir toutes compétences requises pour le poste.

Pour conclure, je ne peux que vous encourager à être honnête et franc envers l’employeur, aussi bien dans la première approche, avec le CV, qu’au cours de l’entretien d’embauche. Le plus difficile est sans doute de se remettre de ses échecs et de persévérer, mais surtout, le plus important est de penser positif.


NB : les conseils que je donne ici ne sont le fruit que de ma modeste expérience. SVP ne les considérez pas comme des principes intangibles.