Alexandre : J’ai parfois le sentiment que des thérapeutes “se font plaisir” à expérimenter sur des patients bègues (enfants comme adultes) des techniques qui leur semblent meilleures que d’autres - je pense au programme Lidcombe comme à d’autres techniques. Or, je suis également surpris de l’apparent amateurisme lorsqu’il s’agit de mettre en évidence les progrès de leurs patients, voire de l’absence complète de recul pour évaluer l’efficacité de telle ou telle thérapie. Au point qu’on en vient à se demander si tout ça n’est pas du pareil au même. Je suis encore frappé de l’absence de culture de résultats chez beaucoup d’orthophonistes. Certes, ils n’ont pas d’obligation de résultats, mais de là à ne pas s’en soucier… Comment alors juger de la pertinence d’une nouvelle technique autrement que par le ressenti, donnée non fiable par essence ? Que vous inspire cette réflexion ?

Marie-Claude : « Expérimenter » !! Vous y allez fort. Mais il est normal, légitime et de bonne guerre d’utiliser de nouvelles thérapies ou de nouveaux médicaments – le contraire s’appellerait tout simplement pour le patient une « perte de chances » …seulement voila, en rééducation il n’y a pas d’essais cliniques et pas de protocole d’autorisation de mise sur le marché. N’importe qui peut proposer…n’importe quoi, parfois sous le label médical, parfois sans même s’embarrasser de ce label, en proposant ce que j’appelle des méthodes commerciales.

Alors comment évaluer l’efficacité d’un traitement réhabilitatif ? en comparant à un groupe apparié qui ne serait pas traité Je vois mal la chose, on mettrait pour lors le groupe témoin en perte de chances… L’équipe australienne autour de la méthode Lidcombe inonde la planète de soi-disant publications scientifiques – qui ont pour premier effet de faire ressortir ce nom en premier sur Google. Alors ça attire, c’est vrai.

Comme vous je regrette qu’il n’y ait pas de rigueur dans les évaluations, pas d’utilisation suffisamment répandue des échelles, des feuilles de score, des questionnaires et de solides méthodes statistiques – mais comme la prise en charge n’est pas toujours reproductible, et pourrait difficilement l’être, c’est vraiment mission impossible.