Rosalee Shenker, PHD, est directrice du centre de fluidité verbale à Montréal et avait la première importé cette méthode Australienne au Canada. Elle a animé la formation en France au côté de Véronique Aumont-Boucand.

Le Lidcombe Program fonctionne bien sur les enfants d’âge préscolaire mais il est également performant sur les enfants d’âge scolaire, rééducation qui est considérée comme difficile.

Selon Véronique Aumont-Boucand : ” il n’y a pas de bonnes ou mauvaises méthodes. Il y a à chaque fois des enfants, des parents et des orthophonistes différents. Il me paraît important de rester ouvert même si certaines méthodes paraissent à priori plus éloignées de notre culture et d’avoir le maximum d’outils pour pouvoir adapter à chaque cas “.

Je (PdB) vous propose ici une interview de Véronique Aumont-Boucand (VAB) sur le programme Lidcombe et les formations qu’elle organise sur ce thème.


PdB : Vous venez d’organiser avec Rosalee Shenker la première formation sur la pratique du Programme Lidcombe en France à l’attention des orthophonistes. Comment avez-vous vous-même découvert cette méthode et comment vous y êtes vous formée ?

VAB : Le lidcombe est un programme qui a de bons résultats dans la plupart des pays. Ce programme a été élaboré par une équipe de chercheurs Australiens dirigé par Marc Onslow. Après avoir rencontré de nombreux thérapeutes qui pratiquaient cette méthode en ayant de grandes connaissances sur le bégaiement; j’ai décidé de partir à Montréal me former avec Rosalee Shenker, par la suite j’ai essayé en France. Comme je l’ai trouvé efficace, j’ai souhaité en faire profiter les orthophonistes françaises.

PdB : Pouvez-vous nous parler des succès que vous avez rencontré en appliquant le programme sur vos patients ? Ces patients avaient-ils suivi d’autres prises en charge avant ces réussites ?

VAB : La première fois que j’ai essayé c’était sur un enfant de 6 ans qui bégayait depuis plus d’un an, les parents n’arrivaient rien à changer et voulaient essayer autre chose; La méthode leur a bien plu et cet enfant s’est mis à progresser.

PdB : En quoi le programme Lidcombe peut paraitre plus séduisant aux yeux des parents que l’accompagnement parental classique ?

VAB : C’est un programme où les parents sont acteurs du traitement mais n’ont rien à changer par rapport à leur mode de vie.

PdB : J’imagine également que le Lidcombe peut plaire par son côté formaté et rigoureux. Comment est perçue cette rigueur apparente de la part des parents et des orthophonistes que vous avez formés ?

VAB : En fait, seul le cadre est rigoureux mais la thérapie va être adaptée à chacun et c’est ce qui est intéressant.

PdB : Au premier abord, l’accompagnement parental et le programme Lidcombe semblent être antinomiques. Les recommandations données aux parents sont assez différentes pour l’une ou l’autre méthode. Je pense en particulier à ces fameuses contingences verbales positives (“ça a bien coulé”) ou négatives (“le mot a accroché”) de Lidcombe qui semblent être en contradiction avec les recommandations faites de ne pas focaliser l’enfant sur sa manière de parler pour ce qui est de l’accompagnement parental. Qu’en pensez-vous ?

VAB : Je pensais cela moi aussi avant d’avoir essayé mais l’enfant est très content qu’on le complimente sur sa parole ou qu’on lui demande ce qu’il en pense quand ça coule. Ce sont les verbalisations les plus utilisées; par la suite, le ratio restera 5 verbalisations positives pour une négative ex: “oups, j’ai entendu une bosse!” en souriant. A mon grand étonnement, cela améliore la relation du parent avec son enfant.

PdB : Est-ce que l’on peut imaginer un mix d’accompagnement parental et de programme Lidcombe pour prendre en charge un jeune enfant, un peu un Lidcombe à la French touch (avec un peu de modification des comportements familiaux) ? ou est-ce que vous recommandez de suivre scrupuleusement les procédures du programme Lidcombe, en axant les efforts sur les procédures du Lidcombe (contingences verbales, mesures du bégaiement quotidiennes et visites cliniques hebdomadaires) ?

VAB : Il ne faut pas confondre prévention et traitement. Le Lidcombe est un traitement qui se met en place quand l’enfant a bégayé depuis six mois à un an ce qui correspondrait à une approche directe auprès de l’enfant telle qu’elle est pratiquée en France. Cela n’empêche pas de voir les parents une fois ou deux pour de la prévention au début des bégayages.

PdB : Si je vous suis bien, l’accompagnement parental est la méthode à conseiller dès les premiers bégayages de l’enfant alors que le Lidcombe s’applique pour des enfants présentant un bégaiement installé depuis quelques mois. L’un serait donc complémentaire par rapport à l’autre, le Lidcombe (thérapie directe) prenant la place de l’accompagnement parental (thérapie indirecte) là où cette dernière révèlerait ses limites sur un bégaiement déjà installé ?

VAB : Dans la plupart des pays, il se passe ceci : quand un enfant bégaie, l’orthophoniste fait un bilan et évalue les critères de risque de fixation. S’il y en a on prend l’enfant en thérapie. S’il n’y en a pas, on continue à surveiller et prend l’enfant en thérapie au bout de six mois à un an si le bégaiement persiste. Il peut y avoir trois sortes de thérapies chez l’enfant de maternelle : - une thérapie indirecte à base de conseils aux parents, - une thérapie indirecte et directe auprès de l’enfant avec par exemple l’utilisation de la parole prolongée, - le Lidcombe program.

PdB : Pour en revenir à la formation que vous avez menée avec Rosalee Shenker, comment cela s’est-il déroulé ? Sur combien de jours ? Et avec combien d’orthophonistes ?

VAB : Cela s’est très bien passé ; ce programme est à la fois sérieux et amusant. La formation a duré trois jours : deux jours pour les enfants de maternelle et un jour pour les enfants d’âge scolaire 6 à 11 ans ; la rééducation des enfants de cette tranche d’âge est intéressante. Il y avait 25 orthophonistes.

PdB : Quels sont vos objectifs en terme de nombre d’orthophonistes formés ? Je crois savoir qu’une autre session est déjà prévue.

VAB : L’idée est d’aider un maximum de personnes. J’ai d’abord essayé pendant un an avant d’organiser cette formation avec Rosalee, je n’ai pas d’objectifs mais effectivement une autre formation devrait être programmée au printemps.

PdB : Pour conclure, quel avenir voyez-vous pour le programme Lidcombe en France ?

VAB : Si cela peut aider davantage certaines personnes, pourquoi n’essaierait-on pas de l’utiliser ?