Le cinéma, la musique, internet, toutes mes passions actuelles, me projettent dans des paradis artificiels ô combien plaisants… mais ô combien éphémères et volatiles. Je tchatte, je navigue, et les pages défilent sous mes yeux, me soufflant à l’oreille ce qui pourrait être possible… et je laisse passer, me rassurant avec le suivant simulacre de communication. Je regarde des films et je vis de folles romances d’une ou deux heures, ne pouvant retenir une larme à chaque fois que l’actrice me dit « Je t’aime ». La puissance suggestive de la musique me fait vibrer, survolant des paysages de rêves et approchant des muses qui disparaitront bien vite. La force du virtuel… Je rencontre des gens et je ne peux concrétiser avec eux tous les rêves que j’ai explorés. Faute à mon bégaiement ? Non… faute à l’image que je m’en suis fait. Faute à moi tout simplement.

J’ai envie de concret, de palpable. J’ai envie, près de mon oreiller, d’une tête faite d’os, de chair et de sang, de cheveux que je pourrais caresser, d’yeux dans lesquels plonger, de lèvres à embrasser, d’oreilles où chuchoter mes secrets, d’un corps à enlacer. Je voudrais parcourir de mes mains les courbes de ce corps et être ému par ce que je touche. J’ai envie de parler, d’échanger, de rire avec cette personne. J’ai envie de partager ma vie. Elle et moi… je ne veux plus de moi et mes rêves.

Je passe trop de temps devant des ordinateurs, au bureau comme à la maison. Trop de temps à parler avec mes doigts plutôt qu’avec mes cordes vocales. Trop de temps à nourrir mon cerveau et pas assez à me donner les moyens d’avoir des sensations bien réelles, bêtement corporelles, physiologiques, de l’électricité parcourant mes nerfs. Trop de temps à rêvasser de choses que je ne me donne pas les moyens de faire arriver.

Aujourd’hui, je découvre une nouvelle manière de me rappeler à la réalité. J’ai commencé il y a quelques jours un régime pour perdre les kilos superflus qui déplaisent à mes compagnes virtuelles. Sentir ses muscles se tirailler, son ventre se nouer et se rétracter n’ayant plus rien à digérer, n’est pas déplaisant. J’ai enfin le sentiment d’agir en sentant ainsi mon corps en totalité et en permanence. Je me sens commencer l’indispensable changement qu’il me faut opérer pour peut-être commencer à vivre vraiment, à vivre pleinement, à vivre dans la réalité. Se faire mal pour se rappeler qu’on existe et qu’il faut exister… ça permet de me convaincre à chaque instant que je peux encore agir pour faire avancer les choses.