Churchill s’efforçait ensuite de mémoriser son texte tandis qu’il lisait et relisait son discours à haute voix, apportant parfois de nouvelles corrections. Il emmenait son texte avec lui et, avant de prendre la parole en public, s’assurait à plusieurs reprises qu’il avait bien toutes ses notes et que les feuillets étaient rangés dans le bon ordre. Enfin, ayant pris place à la tribune, il prononçait son discours, ses notes sous les yeux. Il parlait lentement et d’une voix grave, faisant une courte pause à la fin de chaque syntagme. Il achoppait peu, ou pas du tout. En général, ses discours faisaient impression, car Churchill avait le sens de la formule.

Sitôt après avoir parlé, Churchill cherchait à savoir quel effet il avait produit. En même temps, il se sentait soulagé : l’épreuve était passée.

Comme il avait tendance à bégayer, et parfois même à perdre le fil de ses idées, lorsqu’il devait prendre la parole de façon impromptue, il s’efforçait de prévoir les questions et les objections de ses adversaires politiques, afin de préparer ses réponses. Parfois, lorsque l’interpellation de l’opposition était différente de ce qu’il avait prévu, il lui arrivait de donner quand même la réponse qu’il avait préparée, ce qui fit dire un jour à un parlementaire que l’artillerie de Churchill était puissante mais peu mobile. Un autre membre de la Haute Assemblée lui reprocha de toujours discourir, mais de ne jamais discuter.

Malgré le mal qu’il devait se donner pour prononcer un discours sans achopper, Churchill montait souvent à la tribune, car il était convaincu que le verbe était la meilleure arme de l’homme politique. Sa vie durant, il s’efforça de surmonter son handicap verbal afin de poursuivvre sa carrière d’homme d’Etat.

A force de préparations et avec, sous les yeux, le texte complet de son exposé, Churchill réussissait souvent à impressionner son auditoire. Mais il restait conscient de son manque total de spontanéité et, pour cette raison, ne se considérait pas comme un véritable orateur. Pour lui, la vrait maîtrise de l’art oratoire impliquait la possibilité de prendre la parole en public sans aucune préparation. Cette faculté de discourir tante pede lui fit toujours défaut.


Extrait du livre Les bégaiements : histoire, psychologie, évaluation, variétés, traitements par Anne Van Hout et Françoise Estienne (publié par Elsevier Masson, 2002)