Winston Churchill
Par Alexandre le Lundi 18 mai 2009, 14:58 - Informations - Lien permanent
Winston Churchill (1874-1965) était bègue. En plus, il avait un sigmatisme. Son bégaiement était particulièrement sévère lorsqu’il devait parler en public sans avoir pu préparer ce qu’il avait à dire. L’improvisation lui était très difficile. Aussi accordait-il beaucoup d’attention à la préparation de ses discours. Le plus souvent, il dictait à sa secrétaire ce qu’il se proposait de dire. Il marchait en long en large dans son bureau tandis qu’il élaborait en bégayant la première version de son exposé. Ensuite, la secrétaire tapait à la machine le texte dicté. Churchill remaniait et corrigeait ce premier jet, qu’il soumettait alors souvent à sa femme Clémentine. Celle-ci formulait parfois des remarques ou des réserves et Churchill modifiait son texte en conséquence. Il indiquait aussi les pauses qu’il comptait faire. Celles-ci étaient nombreuses. La plupart du temps, les phrases étaient découpées en segments de quelques mots. La secrétaire retapait le texte ainsi retravaillé, prenant soin d’aller à la ligne chaque fois qu’une pause avait été indiquée.
Churchill s’efforçait ensuite de mémoriser son texte tandis qu’il lisait et relisait son discours à haute voix, apportant parfois de nouvelles corrections. Il emmenait son texte avec lui et, avant de prendre la parole en public, s’assurait à plusieurs reprises qu’il avait bien toutes ses notes et que les feuillets étaient rangés dans le bon ordre. Enfin, ayant pris place à la tribune, il prononçait son discours, ses notes sous les yeux. Il parlait lentement et d’une voix grave, faisant une courte pause à la fin de chaque syntagme. Il achoppait peu, ou pas du tout. En général, ses discours faisaient impression, car Churchill avait le sens de la formule.
Sitôt après avoir parlé, Churchill cherchait à savoir quel effet il avait produit. En même temps, il se sentait soulagé : l’épreuve était passée.
Comme il avait tendance à bégayer, et parfois même à perdre le fil de ses idées, lorsqu’il devait prendre la parole de façon impromptue, il s’efforçait de prévoir les questions et les objections de ses adversaires politiques, afin de préparer ses réponses. Parfois, lorsque l’interpellation de l’opposition était différente de ce qu’il avait prévu, il lui arrivait de donner quand même la réponse qu’il avait préparée, ce qui fit dire un jour à un parlementaire que l’artillerie de Churchill était puissante mais peu mobile. Un autre membre de la Haute Assemblée lui reprocha de toujours discourir, mais de ne jamais discuter.
Malgré le mal qu’il devait se donner pour prononcer un discours sans achopper, Churchill montait souvent à la tribune, car il était convaincu que le verbe était la meilleure arme de l’homme politique. Sa vie durant, il s’efforça de surmonter son handicap verbal afin de poursuivvre sa carrière d’homme d’Etat.
A force de préparations et avec, sous les yeux, le texte complet de son exposé, Churchill réussissait souvent à impressionner son auditoire. Mais il restait conscient de son manque total de spontanéité et, pour cette raison, ne se considérait pas comme un véritable orateur. Pour lui, la vrait maîtrise de l’art oratoire impliquait la possibilité de prendre la parole en public sans aucune préparation. Cette faculté de discourir tante pede lui fit toujours défaut.
Extrait du livre Les bégaiements : histoire, psychologie, évaluation, variétés, traitements par Anne Van Hout et Françoise Estienne (publié par Elsevier Masson, 2002)
Commentaires
Winston Churchill était ce que l’on appelle un “closet stutterer” ou “bègue du placard” (c’est tout de suite beaucoup moins joli en français…). Le closet stutterer développe des artifices élaborés pour masquer son bégaiement. En la matière, Churchill était vraiment un champion et sa richesse de vocabulaire était le résultat d’une longue pratique de la périphrase et de la substitution de mots. Contrairement à ce que disent ses détracteurs, ça ne l’empêchait pas d’avoir de la répartie. A une dame qui lui avait dit “si j’étais votre femme, Monsieur, je mettrais du cyanure dans votre thé !”, il a répondu “si j’étais votre mari, Madame, je le boirais !” Délicieux, non ?
Existe-il une archive avec un bégaiement (forcément léger j’imagine)?
Bloqué par sa voix mais pas par les nazis! Great Man!